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C’est un secteur en émergence. Aujourd’hui, le métier de délégué médical a le vent en poupe. Mais malgré les écueils qui escortent ce secteur d’activité, le métier fait rêver plus d’un.
C’est un rêve qui vient de se concrétiser. Depuis tout petit, Souleymane nourrissait le vœu d’évoluer dans le domaine médical ou à défaut de collaborer avec le corps médical, un corps tant respecté. Hélas, faute de bonne note pour les matières scientifiques au baccalauréat, le jeune homme de 31 ans ne sera pas orienté au département de médecine. Mais Souleymane n’a pas lâché du lest. L’idée de devenir délégué médical le tente et il se lance. «J’ai raté le concours de médecine, mais je voulais quand même travailler dans ce domaine. Quand j’ai vu à la télé des publicités évoquant le métier de délégué médical, je me suis rendu dans une des écoles de formation de Dakar», raconte Souleymane Barry. À raison de 75 000 F CFA par mois, Il a suivi les deux ans de formation à la profession de délégué (ou visiteur) médical, chargé de promouvoir les médicaments du laboratoire qu’il représente. Après son stage de fin d’études, son agence l’a embauché. Cependant, comme il l’explique, ce métier n’est pas donné à tout le monde. «Pour pouvoir réussir dans cette voie, il est indispensable d’avoir une certaine aisance relationnelle afin de pouvoir communiquer facilement. Le délégué médical doit être également capable de trouver les arguments qui vont convaincre son interlocuteur qui est le personnel de santé», confesse-t-il. N’empêche, le secteur est en pleine émergence. «Les employeurs des délégués médicaux sont les nombreux laboratoires pharmaceutiques qui cherchent à se faire connaître. Des laboratoires réputés embauchent également pour pouvoir former un employé à une catégorie de médicaments pour une maladie en particulier et profiter d’un personnel maîtrisant parfaitement son sujet». C’est d’ailleurs la raison pour laquelle beaucoup de personnes veulent être délégué médical. En plus de cela, il y a une bonne rémunération. Un motif supplémentaire pour Souleymane Barry qui a sauté le pas. « Entre 350 et 500 000 Fcfa le mois», sourit-il. Une indemnité et un profil qui font rêver plus d’un…
Le délégué médical représente un laboratoire pharmaceutique qui a mis au point une nouvelle molécule. Son rôle est ainsi de promouvoir ce nouveau médicament auprès des professionnels de santé afin qu’ils le prescrivent davantage à leurs patients. Offrant de belles perspectives d’évolution et des débouchés pérennes, le métier de délégué (ou visiteur) médical a le vent en poupe, sur fond de marché pharmaceutique florissant.
500 000 francs par mois
Voici maintenant plus d’une dizaine d’années que Ibrahima Gaye* évolue comme délégué médical. Très dynamique, et calé dans son domaine, l’homme de 45 ans est à même d’expliquer les rouages d’un métier tant convoité. «Dans la corporation de délégué, il y a les laboratoires et les agences. Souvent les laboratoires confient les produits (médicaments) aux agences qui sont chargées d’en faire la promotion. Maintenant, au Sénégal, il y a une floraison d’agences qui prennent en contrat les produits en promotion. Le laboratoire paye des commissions à l‘agence qui, en retour, rétribue les délégués médicaux suivant le type de contrats qu’ils ont», confie ce délégué. D’ailleurs pour lui, l’intérêt pour ce métier est dû à l’image visuelle, la personnalité que dégage un délégué ou visiteur médical. «Un visiteur médical c’est d’abord un bon port vestimentaire, ensuite un bon véhicule. Nous avons un métier de contact, nous nous déplaçons avec un véhicule pour aller à la rencontre des médecins et du corps paramédical et pharmacien. Et en partant, nous avons un certain nombre de documents ou d’outils à mettre à leur disposition. C’est ce qui explique cette mobilité. Et rien qu’en faisant focus sur cette image, tout le monde veut exercer ce métier», confie le délégué médical. Autre atout, la rémunération s’avère attractive dès la première embauche. «Ma première paie était de 450 000 Fcfa et après dix ans de service, ça a fortement augmenté.» Dès lors, l’on comprend aisément cette ruée vers ce métier. Et pourtant, contrairement à ce qui se dit, intégrer ce corps de métier n’est pas facile. Au-delà de l’argumentaire au sujet du produit proposé, cette profession demande une parfaite connaissance de chacun des médicaments ou solutions médicales présentés. Le délégué médical doit donc être en mesure de renseigner sur la posologie, les résultats obtenus ainsi que les effets secondaires. A l’aise dans son speech, M. Gaye poursuit : «Par vocation, c’est un job à caractère commercial nécessitant beaucoup de contacts de proximité et d’échanges. Il crée un relationnel avec des opportunités de voyages dans le pays ou à l’international».
Tout comme Ibrahima, Mouhamadou Fall est délégué médical. Pour le représentant d’une grande firme pharmaceutique de la place, «le métier de délégué médical, c’est d’abord un profil. Certains disent qu’ils sont dans de bonnes écoles, ils ont fait une formation dans les grandes écoles. Tout ça c’est bien, mais le profil est plus important. Si tu as un bon profil, tu peux faire ce métier. D’ailleurs, c’est à cause de ce profil que beaucoup de jeunes veulent intégrer ce corps», confie Mouhamadou Fall. La voix rauque, le délégué ajoute : « Le mythe de penser que seuls les gens qui ont fait des études médicales/scientifiques pourraient être des délégués médicaux est aujourd’hui erroné», dira d’emblée Mouhamadou Fall. En service depuis neuf années, ce délégué médical explique les préalables pour être reconnu comme délégué. «Pour être délégué médical, il faut avoir un minimum de prérequis sur le plan médical. Nous avons comme interlocuteurs, les médecins, infirmiers, sages-femmes et pharmaciens et pour pouvoir instaurer une intelligibilité entre eux et nous, il faut avoir un minimum de base médicale.» Il poursuit : «Mais, il ne faut pas oublier qu’à la base, le métier que nous exerçons a une finalité commerciale, car il s’agit de vendre. Si on n’a pas des atouts commerciaux et médicaux, nous ne sommes pas prédisposés pour pouvoir exercer ce métier». Dès lors, intégrer ce métier peut être très mitigé. «Intégrer ce métier est aujourd’hui facile et difficile à la fois», lâche-t-il. Facile dans le sens que «si vous avez tout ce qu’il vous faut, en termes de connaissances médicales et commerciales, vous pouvez faire valoir votre profil et obtenir quelque chose d’alléchant». Difficile car, «aujourd’hui, à chaque coin de rue, il y a des écoles de formations à ce métier avec un contenu de formation qui n’est pas le même. Et du coup, les gens pensent que comme la demande est là, il faudrait qu’une offre puisse suivre. Malheureusement, l’offre est supérieure à la demande. En ce sens qu’il y a une floraison d’agences qui paient n’importe quel salaire ».
Absence d’une convention collective, manque de reconnaissance de la part de l’Etat, les revers d’un métier
Mais, au Sénégal, malgré la ruée vers ce domaine professionnel, le métier de délégué médical n’a pas toujours bonne presse, y compris auprès du corps médical. Il arrive que parfois, plusieurs visiteurs médicaux, souvent extra-continentaux, «déposent les médicaments pour qu’on teste leur efficacité, ou viennent seulement pour présenter le produit et vous inciter à le prescrire. Quand ils reviennent, ils demandent combien il y a eu de prescriptions, si on a constaté des effets secondaires. A la limite ; on dirait qu’ils ne sont mus que par le souci de vendre, le reste, ils s’en moquent», lâche, furax le docteur Abdourahmane Daff. Une assertion confirmée par le président du syndicat des délégués du Sénégal. Comme tout métier en pleine expansion, les acteurs de ce secteur rencontrent des difficultés. Il s’agit, entre autres, du problème de reconnaissance sur le terrain. «Les différentes corporations avec lesquelles nous travaillons ne nous accordent pas le crédit nécessaire. La faute à la floraison d’écoles de formation et d’agences. Résultat ? La formation n’est plus au point, le délégué médical n’a plus de valeur ajoutée ni pour le médecin ni pour le pharmacien. Et de ce point de vue, les gens ont tendance à réduire l’accès à ces délégués médicaux. C’est un véritable problème», explique Hassane Dathe. Exaspéré, il poursuit : « Aujourd’hui, dans aucun texte juridique, il n’est fait cas du statut de délégué médical. Le code de la santé publique du Sénégal n’a pas pris en compte ce métier». A tous ces maux s’ajoute celui d’un salaire sans revalorisation. «On ne sait pas aujourd’hui quel est le salaire de base pour un délégué médical qui rentre dans ce métier. Et quand il aura franchi les autres étapes, en termes de responsabilité, combien, il doit être payé. Nous avons un certain nombre de questions auxquelles nous n’avons pas encore de réponse», enchaîne le délégué. Aujourd’hui, en l’absence d’une convention collective, «il n’y a pas un montant fixe pour un délégué médical débutant. Mais, en moyenne, un délégué peut se retrouver avec 500 000 Fcfa par mois. Nous, en tant que syndicat, sommes en train de tout faire pour mettre en place une convention collective», dira le président de la Sydems. Avec à peu près 800 délégués au dernier recensement en 2020, ce secteur est en émergence et continue d’accueillir beaucoup de jeunes, malgré certaines difficultés.